Retrouvez toutes les informations dans la feuille hebdomadaire N°43.
COMMENT RECEVONS-NOUS LE RAPPORT SAUVÉ ?
Trois soirées d’échange ont eu lieu à Dommartin, La Tour et Lentilly cette semaine : elles ont rassemblé une vingtaine de personnes. En voici les principaux thèmes dans une synthèse réalisée à partir de notes prises lors de ces rencontres.
La responsabilité de l’Église pèse-t-elle sur nous ?
La responsabilité incombe à ceux qui ont fauté y compris les supérieurs hiérarchiques des prêtres abuseurs qui n’ont pas fait tout leur devoir. « Il ne faut pas qu’ils se cachent dans la communauté ».
L’analyse de la Commission Sauvé met en lumière que des modes d’organisation, de formation, de gouvernement ainsi que des habitudes de relation et de manières d’être dans l’Église ont été des facteurs facilitant les abus et la non-prévention de la récidive.
Dans ce cas, certains considèrent que la responsabilité de l’Église pèse sur les évêques. Mais alors, que dire de notre évêque, nouvellement arrivé et de tous les évêques récents qui vont porter la réception du rapport Sauvé et la mise en œuvre de changements ?
Une autre manière d’aborder cette question est de dire : « si on prend les choses du côté transformation, on est tous concernés. » Ensemble, nous sommes responsables des conséquences à mettre en œuvre après une telle révélation.
La question du dédommagement
Il semble y avoir plutôt consensus sur le fait que l’Église dédommage les victimes.
Les fidèles doivent-ils contribuer à ce dédommagement ?
Non : « Les fidèles dans leur large majorité ne savaient pas : ce n’est pas à eux de contribuer à la réparation financière ».
Oui à condition qu’ils reçoivent un vrai pouvoir dans le processus de réparation et dans le discernement des changements à faire dans l’Église.
Et les prêtres mis en cause ?
On attend de la rigueur dans le suivi des dossiers jusqu’à une condamnation et un cadre précis, pendant toute la procédure, autour des prêtres mis en cause. on attend aussi un accompagnement solide des prêtres qui ont purgé une peine de prison .
L’expérience du cléricalisme
Comment expliquer la prévalence des abus dans l’Église, après la sphère familiale, sans prendre en compte la conception courante du prêtre ?
Il faut revisiter la compréhension de ce qu’est l’ordination, la spiritualité liée au fait d’être prêtre. « Certains se prennent un peu trop pour le Christ ! » Il n’y a pas de sacralité du prêtre : «il est porteur d’un mystère comme tous les chrétiens».
Les prêtres sont trop entre eux, entre hommes. Il y a un entre-soi qui les enferme.
Les prêtres sont trop loin de la société civile et donc de l’expérience courante de la vie des fidèles.
Il faut revisiter la responsabilité pastorale : qui peut accompagner une communauté paroissiale ? Est-ce nécessairement un prêtre seul ? Est-ce que ce peut être un laïc seul ? Est-ce que ce peut être un groupe (de manière collégiale) ?
Pouvoir et contre-pouvoir : sans contre-pouvoir, il y a la tentation d’utiliser le pouvoir que donne l’Église à son intérêt, à commencer par le recours à un argument d’autorité qui met fin à la discussion.
La manière d’exercer la charge de curé varie trop d’un prêtre à un autre.
Et maintenant que faire ? Sur quelles bases repartir ?
La place de la parole.
Est-ce que la parole des enfants est écoutée ?
Est-ce que nous avons une culture de l’écoute et du dialogue ?
Le souci de la vérité : est-ce que nous avons le souci de la vérité ? A quel point est-ce une valeur que nous vivons dans nos échanges et dans notre comportement. C’est pourtant une valeur éminemment chrétienne ! « Je suis le chemin et la vérité et la vie », dit Jésus. « On ne peut pas vivre comme chrétien si on s’écarte de la vérité : forcément, nos vies deviennent foireuses. »
La diversité des personnes exerçant des responsabilités de leadership : il ne faut pas que les prêtre soient seuls à cette place.
- Davantage de diacres permanents !
- Davantage de femmes !
Caractère décisif de la formation des futurs prêtres de plus largement de toutes les personnes en responsabilité dans l’Église.
Comment conduire le changement ?
Comparaison avec les processus d’audit dans les entreprises : on se rend compte que les habitudes sont très difficiles à changer : beaucoup de recommandations se perdent dans les sables ! Un pôle extérieur à l’Église est nécessaire pour accompagner
Le changement : un groupe indépendant qui interpellerait l’Église sur les changements qu’elle veut faire et le calendrier qu’elle s’est fixée.
- Il faut une unité de volonté à la tête, dans la Conférence des évêques de France.
- Pour aller vers plus de justice, il faut cultiver la paix, y compris la paix intérieure. Dans la lettre de Jacques : « C’est dans la paix qu’est semée la justice qui donne son fruit aux artisans de paix ».
- Il faut une synodalité plus concrète à tous les niveaux : que la voix des laïcs soit recueillie et qu’elle ait un vrai poids dans les prises de décision ; qu’il y ait plus de partage de responsabilité entre prêtres et laïcs ; que les laïcs soient associés au suivi des changements que veut faire l’Église dans une forme de vigilance fraternelle de l’Église sur elle-même.
Amour blessé de l’Église / Regard de foi sur l’Église
Notre amour de l’Église est blessé. On ne se sent pas à l’aise dans notre Eglise.
L’Église c’est nous et on se sent trompé face à l’irresponsabilité et aux défaillances que révèle le rapport Sauvé. « C’est parce qu’on aime l’Église qu’on se sent blessé et furieux. »
On a besoin de l’Église : l’Église a une sagesse et une responsabilité.
L’Église transmet une culture et grâce à la force de cette culture, des évolutions humaines positives ont eu lieu et doivent continuer d’avoir lieu.
On ne peut pas chercher à suivre le Christ tout seul : on a besoin d’être en Eglise pour s’encourager à le suivre et pour bénéficier de la sagesse des autres.
« Si j’étais seul avec l’Evangile, je serai une secte à moi tout seul. J’ai besoin d’une communion : les gens autour de moi m’aident à vivre l’Evangile ».
Ai-je besoin de l’Église pour vivre ma foi ? Pour répondre oui, il faut passer par un approfondissement et une intériorisation de la foi qui dépasse la part d’habitude sociale qu’on peut avoir dans la religion.
Les douze travaux de l’Église selon Sœur Véronique Margron
►La première obligation de l’Église : mettre les victimes au centre
►Le deuxième des douze travaux : désacraliser la figure du prêtre
►La troisième tâche est alors de déconstruire le « système clérical »
►Le quatrième chantier de l’Église, promouvoir la place des femmes
►Le cinquième enjeu : transformer la crise en une mutation
►La sixième nécessité : changer le style de l’Église
►La septième obligation : renforcer le dialogue avec la société
►Le huitième travail : faire la vérité pour retrouver la confiance
►Le neuvième chantier de l’Église : former les prêtres sur les questions affectives
►Le dixième impératif : combattre les phénomènes d’emprise
►Le onzième travail : revoir l’exercice du pouvoir au sein de l’Église
Sources : La Croix